Protrait de Fatima Ouali

Si la persévérance avait un visage, ce serait celui ci !

" Je suis actuellement à la retraite, mais pour l’épanouissement de mes enfants, jusqu’à mon dernier souffle, je ne manquerai pas d’énergie. "

Je m’appelle Fatima OUALI, je suis mère de cinq merveilleux enfants dont une fille atteinte de trisomie 21. Je suis actuellement à la retraite, mais pour l’épanouissement de mes enfants, jusqu’à mon dernier souffle, je ne manquerai pas d’énergie. Ma fille trisomique s’appelle Hassia, elle est née le 18 octobre 1998. Durant sa grossesse et pendant l’accouchement, je n’ai pas vécu de situation contraignante particulière que je n’ai déjà connu auparavant. La première alerte que j’ai eue sur la situation de ma fille est survenue après la naissance. En parcourant le carnet de suivi de grossesse, j’ai remarqué que l’APGAR est de 6/10. Ce qui n’est pas normal. Je me suis immédiatement rendue chez une pédiatre dans une clinique. Après les consultations, elle m’a dit que ma fille ne va pas vite grandir, ni vite marcher, qu'elle va avoir un retard sur toutes les étapes de sa croissance. Je lui ai demandé quel traitement faut-il faire à ma fille ? La pédiatre m’a répondu qu’il n’y a pas de traitement. Je suis sortie du cabinet de la pédiatre en pleurs.

Deux jours plus tard, n’étant pas satisfaite de la consultation de la pédiatre, je suis partie voir un médecin généraliste. Il m’a répété la même chose, notamment le retard de croissance, à la différence que lui me rassure et me dit de ne pas m’inquiéter. Comme pour dire tout va bien se passer comme pour mes enfants précédents, mais juste avec un peu plus de temps. N’étant toujours pas fixée, je suis parti voir un troisième médecin. Lui par contre m’a dit qu’il n’a rien vu, ma fille va bien selon lui et me conseille de revenir quand elle aura six mois. Une semaine plus tard, toujours pas convaincue, je vais voir la pédiatre de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale. C’est elle qui m’a expliqué le retard dont parlaient les autres médecins. Je lui ai demandé comment faire pour le suivi, elle m’a conseillée d’attendre que ma fille ait un an pour lui faire des examens et déterminer le plus approprié. Je précise que jusque-là, aucune allusion à la trisomie 21.

Quelques mois plus tard, je suis partie voir un médecin proche de la famille, qui était absent au moment de la naissance de Hassia. Je lui ai demandé avec insistance de m’éclairer sur la situation de ma fille, après lui avoir raconté tout mon parcours auprès de ses confrères. Il a ausculté Hassia et m’a annoncé que ma fille était atteinte de trisomie 21. Il m’a expliqué que c’est une anomalie génitale. Je me rappelle du schéma qu’il a fait à main levée pour illustrer les chromosomes. Il m’a également expliqué qu’il y’a plusieurs types de trisomie, mais c’est la trisomie 21 qui est le plus courant. Les personnes atteintes ont des complications soit cardiaque, intestinaux ou respiratoire. Et il n’est pas rare qu’un enfant atteint de trisomie 21 présente toute ces complications à la fois. Il m’a prescrit des examens à faire et orienté vers un cardiologue. Ce dernier m'a rassurée que le cœur de ma fille n’était pas affecté. Un an après, comme ma fille ne marchait toujours pas, des proches m’ont conseillé de voir un autre médecin, Didier Allabagda. Lui-même handicapé, il était connu pour ses précieux conseils aux familles. Il me conseilla d'être une mère patiente et battante. C’est lui qui m’a conseillée d’acheter à ma fille des articles et jouets de couleurs vives, pour l’aider à développer son attention et favoriser sa croissance. Voici brièvement mon parcours en tant que mère d’une enfant atteinte de trisomie 21.

Ce que je déplore, c’est que les mères sont laissées à elles-mêmes. Il n’y a quasiment pas de structures pour informer les parents et les guider. Cependant, personnellement, je n'ai pas à me plaindre. Hassia est entourée d'une famille aimante, ses frères et sœurs la traitent comme une enfant normale. Nous ne la regardons pas avec pitié, nous ne cédons pas à toutes ses caprices. Nous ne l’isolons pas et la faisons participer aux cérémonies familiales. Elle participe aux travaux ménagers, fait elle-même sa lessive, part s’acheter des friandises à la boutique du quartier. Je me rappelle de deux expériences déplaisantes. Premièrement, dans le quartier quand Hassia sortait pour s’acheter du pain pour le petit-déjeuner ou des friandises, les autres enfants l’appelaient Gandjo (ce qui veut littéralement dire la monstre). Lorsque j’en ai eu écho, j’ai fait du porte à porte et rencontrer toutes les familles du voisinage. Je leur ai expliqué ce que font les enfants dans le quartier sans pour autant indexer les leurs. Tous les parents ont grondé leurs enfants et leur ont interdit cette attitude envers Hassia. Deuxièmement, c’est le commentaire d’une tante qui, lorsqu’elle a appris que ma fille est inscrite à l’école Mission Fille, a dit : « c’est à ce serpent que tu payes des frais de scolarité ? ». Je lui ai répondu que c’est ma fille et mon argent, que ça ne regarde que moi. Son commentaire m’a profondément affectée du fait de nos liens de parenté. La scolarité de ma fille : Deux ans en petite maternelle et deux ans à la grande maternelle. Après, je l’ai inscrite dans une école spécialisée qui s’appelle Les pélicans. Cette école s’occupait exclusivement des enfants ayant une déficience intellectuelle.

C’est à travers la rencontre avec d’autres mères et le partage d’expériences que l’idée de créer une association pour le bien-être des enfants atteints de trisomie 21 est née. Et à chaque fois que je croise un enfant atteint de trisomie 21, je m’arrête, même en taxi, pour l’aborder et chercher à rencontrer ses parents. Par cette approche, vu l’intérêt manifeste que je porte aux enfants atteints de trisomie 21, je parviens à gagner la confiance des mères. Mon expérience que je partage spontanément avec elles leur donne le sentiment qu’elles ne sont pas seules. Cela m’a donné une certaine crédibilité pour parler en leur nom et faciliter leur mobilisation à participer aux activités de l’association. Mon ambition avec l’association VALT 21 : Œuvrer pour l'instruction des enfants atteints de trisomie 21 afin qu'ils gagnent leur autonomie et s'insérer dans la société nigérienne au même titre que les autres enfants.